C'est notre histoire : L'avenue SIMON BOLIVAR
Le 17 mai 1863 le corps expéditionnaire français dépêché par Napoléon III, suite au refus du Mexique d’honorer sa dette à l’égard de la France, parvient enfin à conquérir la ville de Puebla, lui ouvrant la voie de Mexico et le succès de l’aventure mexicaine, hélas pour quatre petites années seulement. Mais à Paris, cette victoire connaît un fort retentissement : toute la capitale vit à l’heure mexicaine ; et quand il s’agit de baptiser une rue tracée dans les tout nouveaux quartiers de Paris annexés pour former huit arrondissements supplémentaires, il semble naturel de célébrer l’événement en la nommant « rue de Puebla ». Une voie particulièrement longue puisqu’elle se constituait des actuelles rue des Pyrénées, avenue Simon Bolivar et partie de l’avenue Secrétan.
El Libertador.
Né à Caracas en 1783 d’une famille espagnole aristocratique implantée en Amérique depuis plusieurs générations, Simon Bolivar poursuit de brillantes études, montrant un réel intérêt pour les philosophes des Lumières français. Il s’engage dans le mouvement d’indépendance des colonies espagnoles en Amérique du sud. Rapidement, il connaît de brillants succès diplomatiques mais aussi militaires qui lui vaudront le surnom de Libertador. Mais cette lutte pour l’indépendance subit également de nombreux revers, certainement dus au manque de cohésion des peuples, le conduisant à l’exil à plusieurs reprises. Il n’abandonne pas le combat pour autant, affronte le loyaliste général Pablo Morillo, libère la Guyane, prône l’abolition de l’esclavage, part au secours de toutes les nations qui sollicitent son aide. Participant ainsi, directement ou indirectement, à l’indépendance de la Colombie, d’Equateur, du Pérou, du Venezuela, et de la Bolivie qui prend ce nom pour honorer son libérateur. Une décolonisation qui continue pourtant d’agiter le continent mais Simon Bolivar meurt, épuisé par des décennies de lutte acharnée, le 17 décembre 1830 en Colombie.
C’est aussi un chapeau !
Mais la popularité du Libertador en France n’était pas récente puisque dès les années 1820, on affichait publiquement son soutien aux libéraux en arborant un chapeau haut de forme, à larges rebords, connu sous le nom de bolivar. On ne sait si ce fut parce que ce chapeau ressemblait peu ou prou à celui porté par le libérateur lors de son entrée triomphale à Bogota en juin 1819 ou parce qu’une pièce de théâtre, la même année, intitulée Les Bolivars et les Morillos ou Les Amours de Belleville, jouée au Théâtre des Variétés à Paris, rencontra un vif succès, les acteurs partisans des deux militaires (Simon Bolivar le Libertador et Pablo Morillo, le Pacificador) se distinguant par la forme de leurs chapeaux. Ce que confirme par ailleurs Victor Hugo dans Les Misérables : « C'était le temps de la lutte des républiques de l'Amérique méridionale contre le roi d'Espagne, de Bolivar contre Morillo. Les chapeaux à petits bords étaient royalistes et se nommaient des morillos; les libéraux portaient des chapeaux à larges bords qui s'appelaient des bolivars. » Quoiqu’il en soit, le bolivar devint à la mode dans les rues parisiennes au point que le naïf monsieur Fenouillard, en visite à Paris avec ses deux nigaudes, ne s’étonne plus du prix exorbitant réclamé par un marchand de chapeaux à la sauvette quand il apprend qu’il est l’authentique couvre-chef du libérateur sud-américain !
Pierre GRAMMAT